En ce mois de Mars nous retraçons les combats des femmes qui ont fait l’Histoire. Aujourd’hui ce n’est pas une femme, mais deux qui sont à l’honneur. Elles sont indissociables depuis qu’elles ont gagné ensemble le Prix Nobel de la Paix en 1976, voici l’histoire de Betty Williams et Mairead Corrigan.
Le 10 août 1976, un membre de l’IRA provisoire est abattu à Belfast par l’armée britannique au volant de sa voiture. Son véhicule, hors de contrôle, écrase les trois enfants Maguire (Joanne, 9 ans, John, 2 ans et Andrew, 6 semaines) et blesse gravement leur mère. Betty Williams, femme au foyer et secrétaire, assiste au drame et décide d’agir avec la tante des enfants, Mairead Corrigan.
Ensemble, elles lancent un appel contre l’utilisation inutile de la violence dans le conflit entre les Protestants et les Catholiques en Irlande du Nord et créent l’organisation des Peace People (Communauté des Peuples pour la Paix).
Le mouvement pour la Paix
En quelques heures elles collectent près de 6.000 signatures pour une pétition pour la paix. Seulement 4 jours après, le 14 Août 1976, elles organisent un rassemblement sur le lieu de la tragédie qui rassemble près de 2.000 personnes. Deux semaines plus tard, ce sont près de 20.000 personnes qui manifestent à Belfast (n’oublions pas que les réseaux sociaux n’existent pas à l’époque!). L’événement est historique surtout car il se tient au coeur de la partie protestante de la ville, où ils ont accueillis des milliers de catholiques au-dessus de la ligne de paix pour marcher ensemble.
Parallèlement, d’autres manifestations sont organisées dans toute l’Irlande du Nord et au Royaume-Uni. Après juste un mois d’existence, le mouvement Peace People compte 120 antennes rien qu’à Belfast, et au moins une dans presque chaque ville de province.
“Avec ce mouvement pour la paix, nous avons un message simple pour le monde.
Déclaration de Peace People – 1976
Nous voulons vivre et aimer et construire une société juste et pacifique.
Nous voulons pour nos enfants, comme pour nous-mêmes, que nos vies à la maison, au travail et dans les loisirs, soit des vies de joie et de paix.
Nous reconnaissons que construire une telle vie exige de nous tous engagement, travail acharné et courage.
Nous reconnaissons qu’il y a de nombreux problèmes dans notre société qui sont sources de conflit et de violence.
Nous reconnaissons que chaque balle tirée et chaque bombe explosive rend ce travail plus difficile.
Nous rejetons l’usage des bombes et des balles et de toutes les techniques de violence.
Nous nous engageons à travailler avec nos voisins, de près et de loin, jour après jour, pour construire cette société pacifique dans laquelle les tragédies que nous avons connues sont un mauvais souvenir et un avertissement permanent.
Betty Williams
Betty Williams est née d’un père protestant et d’une mère catholique. Cet environnement familial lui apprend la tolérance religieuse et une vision large, qui ont motivé son engagement pour la paix. Au début des années 1970, elle rejoint la campagne contre la violence menée par un prêtre protestant, avant de s’engager complètement dans les activités citoyennes avec les Peace People. Ainsi, des groupes locaux pour la paix sont mis en place, dans lesquels les participants sont d’anciens rivaux qui se sont engagés dans des mesures pour construire la confiance. Avec ces groupes, ils espéraient lancer un processus vers la paix par le bas.
Pour avoir ce type de courage, les peuples doivent commencer à franchir les barrières qui les séparent. Nous sommes séparés sur la surface de cette planète par les barrières physiques, les barrières émotionnelles, les barrières idéologiques, les barrières de préjugés et les haines de toute sorte.
La seule force qui peut briser ces barrières est la force de l’amour, la seule force de la vérité, la force de l’âme. Nous savons tous qu’une simple poignée de main, une simple étreinte, peut briser l’inimitié entre deux personnes. […] Mais de tels gestes d’amitié doivent être soutenus par l’engagement. […] Les gestes initiaux d’amitié doivent être poursuivis, tous les jours, par une coopération dans tout ce qui améliore la vie et évite la violence.
Betty Williams – Discours Nobel – 1977
Mairead Corrigan
Mairead grandit dans une famille pauvre à Belfast. En plus de son travail, elle s’implique beaucoup dans des associations de l’organisation catholique de la Légion de Marie. C’est sur ces bases qu’elle développe la stratégie de non-violence de la Communauté des Peace People, qui a rassemblé des milliers de personnes lors de manifestations et pour créer des mesures de confiance entre citoyens en 1976 et 1977.
Mairead Corrigan n’a pas perdu espoir lorsque Peace People a perdu presque tous ses soutiens à la fin des 1970s. Elle a continué son travail local pour la paix avec une force admirable.
“La non-violence est l’arme des forts. Je crois que l’espoir pour l’avenir dépend de chacun d’entre nous. Nous devons embrasser la non-violence dans nos esprits et dans nos coeurs… Pour ceux qui soutiennent que c’est impossible, rappelons que l’humanité a réussi à abolir l’esclavage. Notre mission aujourd’hui est d’abolir la violence et la guerre. Nous pouvons nous féliciter de vivre une période miraculeuse. Tout change et tout est possible.”
Mairead Corrigan
Héritage
Le mouvement Nord-Irlandais pour la paix se désintègre au cours de l’année 1978, du fait de désaccords internes et à la propagation de rumeurs malveillantes par des extrémistes catholiques et protestants.
Le mouvement des Peuples pour la Paix a fait face à de nombreux contrôles et controverses. Pour certains il ne méritait pas le mérite qu’il a reçu. Pour autant il a réussi à mettre en action des milliers de femmes dans toute l’Irlande du Nord et au-delà. D’une part, il a inspiré l’espoir que les voix des femmes ordinaires de la classe ouvrière puissent être entendues partout. Et il a effectivement capté l’imagination des pays étrangers et mis en lumière la situation désespérée des peuples d’Irlande du Nord, au moins pendant un certain temps.
Sources
Site du Prix Nobel [EN]