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Pour inaugurer cette série de parcours de Wonder Women sur le blog, j‘ai été ravie d’interviewer Fanny. Plus connue sous le nom The Friendly Kitchen sur les réseaux sociaux, Fanny, 30 ans, est cheffe vegan à Paris, et est en train de monter son propre restaurant dans la capitale!
Qu’est-ce que tu faisais avant?
J’ai fait une classe prépa éco, et une école de commerce. Du coup j’ai eu un master en marketing en stratégie des entreprises, spécialisé luxe. À la sortie de l’école j’ai travaillé 5 ans dans le milieu de la mode comme chef de produit développement sur les accessoires. Je faisais la mise au point des prototypes, le suivi des fournisseurs, la négociation des prix, la recherche de matières. Donc ni vegan, ni cuisine. Rien à voir.
Qu’est-ce qui t’as poussé à monter ce restaurant?
C’est plus un aboutissement qu’un chemin tout droit. Déjà, adolescente ou étudiante, je pense que je savais qu’à terme j’aurais envie de créer mon entreprise mais je ne savais pas trop quoi. En tous cas, ce n’était pas quelque chose qui me repoussait. J’avais aussi envie de cuisiner. À force d’expériences je pense que c’est devenu plus clair que j’avais une vraie envie de créer une entreprise et de créer un restaurant. Mais même cette idée je pense que je ne l’ai visualisée qu’il y a 4 ans, et il s’est écoulé encore 2 ans avant que je me dise “il va peut-être falloir que je fasse quelque chose dans ce sens là”. Donc je ne peux pas dire qu’un jour je me suis levée en me disant “je vais monter mon restaurant”. Il s’est passé beaucoup d’années avant que je me lance dedans.
Quelles ont été les étapes de ta réflexion? Qu’est-ce qui a fait que tu as changé de voie?
Quand je me suis dit que c’était ce que j’avais envie de faire, la première étape ca a été de passer du temps à cuisiner chez moi et pas juste “j’aime bien cuisiner et ce serait cool d’avoir un restaurant”. C’est devenu un loisir le week-end de m’amuser à créer des plats, à faire des recettes, d’y passer de plus en plus de temps pour voir si ça me plaisait. Après, j’ai créé un compte Instagram et un blog parce que, justement, le fait de partager avec les gens me poussait à innover et à partager de nouvelles choses. Comme je ne peux pas poster 4 fois la même photo dans la semaine, ça m’a poussé davantage à cuisiner. À partir de là, l’étape d’après a été de contacter les restaurants pour faire des extras. Et je pense que c’est là vraiment où est venu le déclic. Parce que les premiers extras que j’ai fait je me suis tout de suite dit “j’aime trop! Je suis mille fois mieux que derrière mon ordinateur!”. C’était assez évident, et c’est à partir de là que je me suis dit vraiment que je voulais en faire mon métier.
Finalement tu as beaucoup mûri le projet dans ta tête et une fois que c’était prêt, tu étais sûre et prête à en parler.
Oui, tout à fait Je n’aimais pas du tout de ne pas leur dire et ne pas leur en parler, mais finalement je pense que c’était mieux dans le sens où je leur ai présenté un projet réfléchi et pas sorti de nulle part. Ce qui les a rassuré c’était le fait que je commence à faire des extras en parallèle de mon ancien boulot donc que je mette déjà un pied dans le milieu, et que ça me permette de me former.
Ce qui était compliqué c’est qu’en étant vegan il n’y a pas de CAP Cuisine ou Pâtisserie vegan. Et je n’avais pas du tout envie de retourner à l’école pour vider ou découper du poisson et de la viande, ni même apprendre la pâtisserie avec les oeufs. Si c’était pour ensuite désapprendre et refaire les choses différemment, je ne voyais pas trop l’intérêt. Je préférais me former sur le tas dans des restaurants. Je pense que ça a rassuré mes parents. Je multipliais les expériences, j’apprenais et j’avais pleinement conscience du milieu dans lequel je mettais les pieds. Ce n’était pas “je quitte mon boulot dans la mode et pouf! Du jour au lendemain je monte mon entreprise”. Ça s’est fait quand même en presque 2 ans.
Comment est-ce que tu t’es décidée à chaque fois à changer et à avancer?
Tous les extras au début c’est parce que je cherchais vraiment ce qui était disponible et des lieux très différents. Le but c’était de voir le maximum de cuisines et de restaurants possibles. Déjà parce que chaque chef a une manière de travailler différente. Je réalisais mieux que “telle cuisine c’est l’horreur de travailler dedans”. De voir ce qui était à faire, et à ne pas faire en restauration. Et d’apprendre auprès de personnes qui ont des profils très différents. Ca allait de quelqu’un qui avait 10 ans d’expérience en cuisine et qui venait tout juste de devenir vegan. Du coup il avait l’expérience de la restauration, mais pas du tout de la cuisine végétale. Alors que des autodidactes à l’inverse n’avaient pas de formation, et je voyais bien que l’organisation dans la cuisine était beaucoup moins rigoureuse, mais comme ils étaient déjà vegan ou végétariens, ils avaient une approche différente.
Après j’ai fait 2 postes en CDI. Un premier de 8 mois chez Comptoir Veggie. J’avais choisi ça parce que ça allait ouvrir. Ça me permettait de faire l’ouverture d’un établissement et donc d’apprendre plein de choses. Sans aller dans le détail de tout ce qui est administratif, en cuisine je pouvais gérer plein de choses : la création, les commandes, réfléchir aux prix, à l’organisation, avoir un commis. C’était hyper vaste comme poste avec cette pression de l’ouverture parce que tu sais qu’au début tu bosses beaucoup. C’était une bonne expérience pour ça.
Après ce qui m’a poussé à changer c’était l’envie d’apprendre d’autres choses ailleurs et de continuer d’évoluer. Donc j’ai fait 10 mois chez VG Pâtisserie, la première pâtisserie vegan en France. À l’inverse du premier où j’étais plutôt seule en cuisine et autodidacte, là je rejoignais une équipe installée avec des personnes qui ont des CAP. L’idée c’était d’apprendre auprès de personnes formées, qui ont de l’expérience, et de développer mes connaissances en pâtisserie.
À chaque fois, j’ai appris des choses très différentes que ce soit par moi-même ou par transmission de savoir de l’équipe.
Comment se sont faites ces rencontres?
Pour les extras j’avais fait la liste de tous les restaurants vegan de Paris. Je leur ai tous envoyé un mail en disant que j’avais envie de me convertir, que je n’avais pas du tout d’expérience mais que j’avais envie d’essayer. J’avais déjà mon compte Instagram, qui me servait de book, et je donnais le lien pour qu’ils puissent voir ce que je faisais. J’ai été assez surprise d’avoir pas mal de réponses parce qu’au final j’ai fait des extras dans 5 restaurants différents.
Après, les postes que j’ai eu, c’était plus des rencontres, un peu par hasard. Chez Comptoir Veggie, j’avais rencontré la gérante par une amie en commun. Ça s’est fait par hasard, je n’ai pas du tout postulé à un emploi. Pareil pour VG Pâtisserie, je la connaissais à travers une amie en commun. À chaque fois ça a été assez facile et évident de choisir les postes. Avoir des amis en commun ça rassure aussi sur l’endroit où on met les pieds, on a des échos sur la cuisine, etc. C’est un peu plus facile.
Tu n’as jamais regretté ta première vie ?
Non.
Pas du tout, du tout. Là, en pâtisserie je me lève à 5h du mat’ car on commence à 6h ou 6h30, c’est hyper fatiguant, et même là je ne regrette pas. Je préfère mille fois me lever et être fatiguée pour aller bosser là-bas, que d’aller en trainant des pieds et faire métro-boulot-dodo. Les horaires étaient plus léger, c’était moins de stress, j’étais mieux payée. Je n’ai jamais détesté mes anciens postes au point de pas vouloir y aller, d’avoir la boule au ventre ou d’être en dépression. Mais ça ne me passionnait pas. À un moment quand on n’est pas passionné, qu’on n’aime pas ce qu’on fait, moi je sentais bien que je faisais moins bien mon travail, que j’étais moins investie. À un moment, même envers soi, ce n’est pas facile à gérer, parce qu’on se dit “je n’ai pas bien fait mon travail”, on se dévalorise. C’est un cercle vicieux. C’était ça l’état d’esprit avant que je quitte mon dernier job dans la mode. Donc non, pas du tout de regrets. Aucun.
Réussir ça veut dire quoi pour toi?
C’est plus lié à l’épanouissement personnel. De se dire qu’on est bien dans nos pompes, et dans notre boulot. C’est assez global. Évidemment on ne peut pas dire que ce ne soit pas du tout lié à une réussite financière. Si on créé un établissement ou une entreprise, il faut que ce soit un minimum rentable, sinon clairement c’est un échec. Donc il y a cette contrainte qui est quand même assez forte, et qui est je pense l’angoisse numéro 1 de n’importe quelle personne qui crée son propre boulot. Mais la réussite, je pense que c’est plus d’être en accord avec soi, avec ses convictions. Ce qui me pesait aussi dans la mode, c’est que c’était complètement à l’opposé de toutes mes valeurs, que ce soit le véganisme ou l’écologie. Parce que ce n’était ni éthique, ni écologique, et même à l’opposé. Je pense qu’il y avait ça aussi qui me poussait à partir. À un moment on fait des choses et on n’est pas du tout en accord avec ça. Ce n’était plus viable.
Quelles sont les valeurs qui te tiennent le plus à coeur?
Je pense en premier le véganisme, mais vraiment au sens premier du terme de l’éthique envers les animaux. Pour moi maintenant c’est devenu évident qu’on est obligés de changer nos modes de consommation et nos manière de vivre pour que ce soit respectueux des animaux et de la nature à plus grande échelle. Pour moi dans la cuisine ça rejoint très vite l’écologie. Je ne vais pas travailler des framboises en plein hiver, je vais essayer d’utiliser un maximum de produits locaux, des produits de saisons, issus essentiellement de l’agriculture biologique. Ça demande de changer ses habitudes alimentaires, entre autres. Mais ça devient assez urgent de le faire. Et c’est vrai que j’ai du mal à concevoir que soit on s’en moque, soit qu’on ne fasse rien au quotidien. Je le vois très bien autour de moi. Tout le monde dit “ah oui, en effet il y a urgence, l’écologie c’est important” et derrière c’est limite si les gens font le tri. Ils ne cherchent pas à consommer bio, ils continuent d’aller chez Franprix et Monoprix sans problèmes pour acheter des trucs hyper emballés dans du plastique, et de la viande.
C’est ça aussi l’idée du restaurant : pouvoir dire que ce n’est pas parce qu’on est vegan et qu’on fait attention à manger des choses produites en Europe et de saison que c’est forcément synonyme de restrictions et que ce n’est pas lié au plaisir. Je pense que le plaisir à table peut très bien passer par un plat vegan et un vin bio français. Ce n’est pas pour ça qu’on n’aime pas manger, qu’on n’aime pas voir des amis, qu’on n’aime pas sortir. Ce n’est pas une contrainte insurmontable. Je n’ai pas l’impression que ce soit un défi immense. Et il y a plein de petits gestes à faire au quotidien et qui peuvent déjà changer plutôt que de se dire “ah non c’est trop compliqué, ça va me coûter cher” et finalement se braquer et se fermer à toute suggestion.
Dans le restaurant j’envisage aussi de faire un effort sur les déchets. En restauration, c’est l’un des premiers piliers du gaspillage alimentaire. Ça passe par une bonne gestion des quantités, mais aussi recycler les cartons des ingrédients. Du coup j’envisage de mettre du linge de table plutôt que des serviettes en papier. D’avoir des pailles réutilisables en inox ou en bambou, qui se nettoient et ne partent pas à la poubelle. Il y a quand même 2-3 petites choses qu’on peut faire sans que ce soit ingérable, même si ça demande des investissements au départ. Comme ma cuisine est de saison, maison, et frais, forcément c’est plus facile parce que des cagettes de légumes, ou du riz que j’achète par 50kg, ça fait moins de déchets. Ça ne sera pas de la conserve achetée chez Metro!
Pour l’eau minérale à table, je vais éviter le plastique et choisir des fournisseurs qui utilisent du verre, ou de l’eau du robinet filtrée. Pour les softs, j’ai cherché des thés glacés, du kombucha, et une autre boisson qui est un mélange de bissap et de jus de pommes français. Et pour les vins, Claire Brachet, qui est spécialisée en vin naturels, bio et végétaliens, va faire la carte dans la même idée avec des vins français en bio-dynamie.
J’essaie de penser tout de la carte des boissons à la carte des plats en étant en accord sur tout.
Quel impact voudrais-tu avoir sur la société ?
Ça rejoint ce que je disais tout à l’heure. C’est vraiment l’idée que ce n’est pas forcément contraignant de faire attention à ce qu’on mange d’un point de vue éthique et écologique, que ça peut être synonyme de plaisir, qu’on peut être bon vivant, partager à table un bon moment sans se dire qu’on se restreint ou je ne sais quoi. Je pense que les gens ont un peu peur, notamment à l’extérieur. Tous les chefs et les restaurants actuels sont issus de l’ancienne génération, avec ce côté où tu es obligé de faire un CAP et d’être passé commis dans un grand restaurant pour faire tes preuves. C’est en train de changer avec la cuisine végéta*ienne. Comme il n’y a pas de formation, ce ne sont que des autodidactes ou des gens qui se sont formés sur le tas, donc ils ont une vision très différente de la restauration parce que ce n’est plus la même chose. Comme de mieux considérer les gens, ou de ne pas se lancer des casseroles dans les tibias ou se brûler les doigts, parce que c’est signe d’être un super bon cuisinier qui résiste à la chaleur. Il y a plein de choses comme ça qui se passent en restauration. Or, pour les nouveaux chefs vegan, ce n’est pas du tout ce qu’on a connue et qu’on a envie d’instaurer. Donc d’un point de vue humain, c’est en train de bouger. Pour moi, par ma formation, je pense que j’ai aussi des qualités en management ou en gestion d’équipe que quelqu’un qui a fait un CAP à 15 ans, et à qui on n’a pas appris ça. Il y a des valeurs humaines aussi que j’ai envie de transmettre.
Donc si c’était à refaire tu referais pareil ?
Oui. Je le garderais comme ça. Même par rapport au business plan, c’est plus facile quand on a fait une école de commerce. Et même dans mes anciens boulots où j’apprenais à négocier les prix et réfléchir à ma marge, etc. Ce sont des choses qui me servent maintenant, et c’est beaucoup plus facile. Quand je compare à d’autres personnes qui ont monté un établissement, comme elles n’avaient pas ce bagage-là, elles ont dû faire appel à un consultant pour faire le business plan. Il y a quand même des choses qui m’ont aidée. Aussi la maturité je pense. C’est peut-être plus facile à 30 ans de se lancer dans ce genre de projet en ayant déjà eu des expériences. Que ce soit dans la mode ou la restauration, j’ai eu plusieurs employeurs, plusieurs boss, donc à chaque fois il y a des choses à retenir, des choses que j’ai envie d’appliquer d’autres non. C’est un peu plus simple que si je l’avais fait à 20 ans ou 25 ans. Je pense que ça n’aurait pas du tout été la même chose.
Est-ce que tu crois qu’il y a un parallèle entre la transition dans l’alimentation vegan et dans la mode ?
Oui je pense. Je ne vois pas comment on peut faire autrement. Avec le recul, j’ai été longtemps pesco-végétarienne, et j’ai du mal à comprendre qu’à l’époque je ne me sois pas posée la question sur “je porte du cuir” ou “je vais mettre une crème qui a été testée sur les animaux”. En fait je pense que dès le végétarisme ce n’est pas cohérent de ne pas réfléchir à ce qu’on porte ou à ce qu’on utilise comme produits. Pour moi c’est une question qui est assez récente, et qui est venue avec le véganisme. Pour les vêtements même d’un point de vue écologique, et avec tous les drames qu’il y a pu y avoir dans les ateliers de confection… ça rejoint ce qu’on disait sur le comportement des gens. Ils se disent “oui c’est horrible la fast fashion et les usines au Bangladesh”, et au final ça ne change rien, ils ne changent pas leur manière de consommer. Je suis encore loin d’être parfaite, parce que parfois je vais acheter mes chaussettes chez Monoprix. Mais pour moi la grosse différence c’est que, plutôt que d’aller en acheter je ne sais pas combien de fois par an, là j’achète que quand j’ai besoin de renouveler quelque chose ou que c’est un vêtement que je n’ai pas. Déjà dans la manière de dépenser c’est plus raisonné.
Comment tu choisis tes tenues? Est-ce que tu adaptes les accessoires à ton look?
Avant, oui. Maintenant, je mets toujours les mêmes bijoux. C’est plus des grigris, des bagues que j’ai l’habitude de mettre. Dans mes vêtements, je n’ai pas encore fini, mais j’ai commencé de désencombrer tout ce que je pouvais avoir. Je le fais par vague, et je revends sur LeBonCoin les vêtements. En fait ma consommation a évolué. Quand j’étais dans la mode, comme tu es entraînée par l‘esprit de groupe, tu vas un peu chez Zara toutes les semaines. Alors qu’après, déjà je n’avais plus le salaire pour, et je ne les portais pas. Parce que pour aller au travail ça ne sert à rien de partir en jupe pour mettre mon uniforme derrière. Et maintenant, d’un point de vue écolo, ça me paraît complètement aberrant d’avoir autant de vêtements. Du coup là je suis plus dans ma phase désencombrement et je me rends compte que je mets tout le temps les mêmes choses.
Du coup c’est plus éthique.
Oui. Au début ce n’était pas forcément réfléchi : parce que je n’avais pas envie de faire d’effort, ou quand je m’habillais juste le samedi soir, pas besoin de passer 3 heures à réfléchir à quoi mettre, j’avais le choix parce que je n’avais rien mis de la semaine. Maintenant c’est un peu plus réfléchi. Pour les chaussures par exemple, je vais chercher une marque vegan, et favoriser une marque aussi engagée éthiquement et écologiquement. Forcément c’est des choses que j’achète beaucoup moins souvent. Comme ça représente aussi un budget, ce n’est pas facile.
Quel est ton look préféré ?
J’avoue que maintenant en semaine, je prends le premier pull et jeans qui passe et les baskets. Si je dois m’habiller souvent c’est une robe un peu ample, genre robe chemise, des collants, et des boots un peu rock genre Chelsea boots, et un blouson je dirais. C’est un peu mon uniforme du week-end lorsque je travaille pas. Et le vernis, comme je n’ai pas le droit d’en mettre en cuisine. Je sais que je suis en vacances quand j’ai du vernis à ongles.
Est-ce que tu te considères féministe ?
Euh… Oui.
Je ne me dis pas que dans mon parcours ça a été plus difficile parce que je suis une femme, parce que je pense que j’ai la chance d’avoir grandi à Paris dans un milieu plutôt éduqué. J’ai fait des études, donc on ne m’a jamais fait sentir que ce serait plus difficile d’accéder à un métier ou d’avoir tel poste parce que j’étais une femme. Je pense que je ne me suis même jamais posée la question. Mais je suis consciente que c’est le cas pour beaucoup de personnes, que ce soit en France ou ailleurs. Et je ne considère pas du tout que ça y est, on a progressé, qu’il y a une équité parfaite entre les hommes et les femmes et qu’il n’y a plus besoin de manifester, ou de revendiquer des causes parce que c’est loin d’être acquis en fait. Certes on a progressé, on peut voter, on a le droit à l’avortement… Mais ce n’est pas le cas partout dans le monde. Même en France il y a de fortes inégalités. Ce n’est pas du tout la même chose d’être dans une grande ville, dans une grande boîte où on n’est pas la seule femme ou d’être dans un petit village au fin fond de la France où la pression sociale sur ce que doit être une femme est peut-être un peu plus forte que dans une grande ville où on est un peu plus libre quand même. Et il y a encore des sujets où est loin d’avoir une vraie égalité. Déjà les salaires. Et en ce moment on parle beaucoup de l’accès aux protections périodiques. Il y a plein de choses qui ne sont pas du tout prises en compte. Oui, clairement je me considère comme féministe.
Est-ce qu’il y a des femmes qui t’inspirent ?
Pas forcément “inspirer”, mais des personnes que je rencontre au fur et à mesure et où je me dis qu’elles sont des bons exemples parce qu’elles ont bien géré leur affaire, ou que je me retrouve dans leur parcours de reconversion. Mon employeure actuelle, Bérénice chez VG Pâtisserie, clairement c’est quelqu’un qui m’a beaucoup aidé, qui m’a poussé à créer mon entreprise. Alors qu’elle aurait très bien pu me laisser gérer mon truc et ne pas du tout m’en parler, en fait on en parle très souvent, elle me demande où j’en suis. Rien que de se sentir épaulée, pas du tout en concurrence, et de pouvoir partager un sujet avec une autre femme qui a fait la même chose, ça me pousse moi à aller plus loin et à aller au bout de mes envies. Ca m’a facilité l’élaboration de mon projet. De la même manière que je n’osais pas le dire à mes proches parce que je me disais qu’il allait falloir que je le concrétise, là le fait d’avoir dit assez vite à mon employeur que j’avais cette envie, même si j’avais déjà mon planning de création d’entreprise, comme elle me relançait, ça m’a vachement boostée. Le fait de l’avoir dit clairement, je me suis dit “allez, il n’y a pas de raisons que je ne le fasse pas”.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer?
Pour une reconversion, et si on a une idée de ce qu’on veut faire, c’est d’accepter de passer du temps dessus au début. Parce qu’il faut vraiment vérifier que ça nous plait. C’est bien de suivre ses rêves, son coeur, etc. Mais il y a quand même une contrainte dans le monde actuel qui fait qu’il faut arriver à vivre de ce qu’on fait. Ce n’est pas forcément évident de démissionner d’un boulot, et de se dire “je vais aller faire complètement autre chose et on verra”. Je pense que c’est bien au départ d’en faire un loisir, et de s’obliger à y passer du temps. Pour moi c’était les extras le week-end, et en semaine de m’obliger à poster sur les réseaux sociaux pour passer du temps en cuisine, de faire des tests. De vraiment s’assurer que c’est ça qu’on a envie de faire et que c’est pas juste un loisir.
Pour la création d’entreprise, je pense que c’est bien de rencontrer d’autres personnes du milieu, des gens qui sont passés par là. Pas forcément parce qu’on cherche à avoir une information, parce que les informations c’est aussi à nous de les chercher par nous-mêmes. Pour les questions sur la création d’entreprise, il suffit d’aller les poser à la CCI. C’est bien d’être dans une communauté de jeunes qui ont envie de changer les choses. Mais il faut aussi accepter de soi-même passer du temps pour se poser les bonnes questions, chercher les réponses à ses questions. Et après, oui, aller échanger avec d’autres personnes, mais plus pour échanger sur les parcours. Et parce que c’est rassurant de voir qu’il y a d’autres personnes qui réussissent et qu’on n’est pas tout seul à se lancer là-dedans. Dans tous les cas, c’est du temps à passer sur soi et à réfléchir à son projet et à ce qu’on a envie de faire avant de vouloir absolument chercher les expériences des autres ou d’avoir leur avis. Il faut déjà accepter de passer un peu de temps et de réfléchir de son côté aussi.
Quelles sont les prochaines étapes pour toi ?
Là j’ai lancé la campagne Ulule de financement participatif il y a 2 semaines. Il y en a encore pour 1 mois, jusqu’au 13 Avril. Dans 2 semaines je finis mon poste actuel du coup je serai au chômage et je vais pouvoir lancer la création d’entreprise et chercher un local activement. En fait ça devient concret là, surtout maintenant, dans 2 semaines.
Merci à Fanny pour cet entretien et ses plats si bons !
N’hésitez pas à participer à sa campagne de financement participatif sur Ulule avant le 13 Avril 23h59 : http://fr.ulule.com/the-friendly-kitchen/.
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