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La haute couture, reflet de la société
« La mode n’est pas quelque chose qui existe uniquement dans les vêtements. La mode est dans l’air, portée par le vent. On la devine. La mode est dans le ciel, dans la rue »
– Coco Chanel.
La mode est toujours le reflet de son époque, elle évolue et se transforme avec le temps. Elle s’inspire continuellement du luxe et de la haute-couture, puisant sa source d’inspiration dans la société et s’adaptant en fonction. Au cours des cinquante dernières années, la haute-couture a dû s’adapter à de nombreux changements sociétaux. De la digitalisation du monde de la mode, en passant par la recherche de pratiques de consommation plus durables, le monde de la haute-couture est en pleine transformation. C’est aujourd’hui de la problématique de la fourrure dont nous allons parler : Fourrure or Not Fourrure, that is the question.
La fourrure : une mode qui préoccupe
L’utilisation de la fourrure à des fins vestimentaires remonte à la préhistoire, lorsqu’elle était une manière bon marché pour se protéger efficacement du froid. Mais l’utilisation de la fourrure a été reprise par l’industrie du luxe, comme symbole de richesse. Des simples manteaux avec une capuche doublée en fourrure qui valent quelques centaines d’euros, aux manteaux Fendi (dont le double F du slogan signifie « Fourrures Folles ») qui en coûtent plusieurs milliers, la fourrure est devenue progressivement une marque extérieure de luxe.
Mais depuis les années 1970, des associations cherchent à mettre en lumière les conditions de vie désastreuse des animaux vivants dans les centres de fourrure. Non respect des conditions d’hygiène, confinement dans des espaces très réduits, automutilation, cannibalisme… Commencent alors les campagnes médiatiques visant à sensibiliser un maximum de personnes à la barbarie de l’industrie de la fourrure, et à faire basculer l’opinion publique sur la question. L’objectif était de créer un rejet total de la fourrure. La plus célèbre campagne restera sûrement celle de PETA de 1994 : « We’d rather go naked than wear fur » (« Je préfèrerais être nue plutôt que porter de la fourrure »). Dans cette image célèbre, un ensemble de mannequins, comme Naomi Campbell, posaient nues pour défendre la cause animale. Celle-ci a quand même continué à défiler avec de la fourrure quelques années après cette campagne de sensibilisation.
Archives INA montrant le shooting photo de la campagne PeTA – une pépite !
C’est dans ces années que le combat anti fourrure prend réellement son essor. Des militants se regroupent pour manifester contre la fourrure, ils se jettent sur scène pendant des défilés avec des pancartes accusant les acheteurs de fourrure d’être des meurtriers… Pourtant rien n’y fait. Et les marques de haute couture continuent à produire et à commercialiser des vêtements à base de fourrure.
Une « prise de conscience » récente dans le monde de la haute couture
La question de la fourrure n’a jamais autant fait couler d’encre qu’au cours de ces dix dernières années. Certains créateurs ont toujours été contre la commercialisation de la fourrure à des fins vestimentaires, à l’instar de Stella McCartney. Mais nombreux sont ceux qui assimilaient la fourrure à l’élément suprême du luxe. Par exemple, la maison Jean-Paul Gaultier avait toujours défendu la fourrure d’élevage. Lorsque des militantes anti-fourrures se jetaient sur le podium au cours des défilés dans les années 1990, la sécurité avait pour ordre de les faire descendre de scène, en les enveloppant au préalable d’un manteau de fourrure.
Comment sensibiliser rapidement l’opinion publique à une question sociétale qui pose problème ?
Cette question se pose dans les années 2000, et la réponse est simple : internet. L’information y circule rapidement. Chaque action de chaque couturier et de chaque maison de haute couture peut donc rapidement être remise en cause. En conséquence, les marques de haute couture n’ont plus vraiment le choix. Elles doivent se plier aux revendications des internautes et des consommateurs. Pour reprendre l’exemple de la maison Jean-Paul Gaultier, des militants ont appelé à un boycott des produits, et notamment des parfums qui représentent une grande partie de son chiffre d’affaire, tant que la branche haute couture de la maison n’arrêtait pas de commercialiser de la fourrure animale. Résultat : Jean-Paul Gaultier a annoncé en novembre 2018 l’arrêt total de l’utilisation de la fourrure animale, et de cuir.
Il est loin d’être le seul.
Fur? I’m OUT of that !
Face aux manifestations, boycott, pétitions, ou mails des militants, de nombreuses maisons de haute couture se positionnent contre la fourrure animale. Balenciaga, Calvin Klein, Gucci, Frank Sorbier, Versace et bien d’autres encore… Et comme la fast fashion s’inspire de la haute couture, des marques de prêt-à-porter, comme Naf-Naf, Camaïeu ou Adidas, s’affirment, elles aussi, contre la fourrure animale.
On ne saurait savoir si les maisons de haute coutures agissent vraiment en raison de considérations éthiques ou morales, ou pour des raisons marketing. Dans tous les cas, à la question Fourrure or Not Fourrure, la haute couture se met doucement mais sûrement à répondre : « Not Fourrure ».